Prague, la ville aux cent clochers et aux millions de touristes

Prague est une une ville paradoxale qui comblera aussi bien l’amateur d’architecture que le touriste de base attiré par le conformisme d’un voyage à la mode.

Prague version pile : un patrimoine architectural unique et inégalé en Europe.

Prague n’a clairement pas volé sa réputation de musée d’architecture à ciel ouvert. Ici, le plaisir rétinien est à son comble. Où que l’on porte son regard, on ne peut s’empêcher de lancer un grand OHHH suivi du poncif d’usage lorsqu’on est terrassé par l’émotion esthétique : « c’est beau ! »

Si comme moi, vous êtes accompagné par un passionné d’Art Nouveau, préparez vous à l’alpaguer, l’interpeller, le tirer par la manche, lui taper sur l’épaule et lui montrer du doigt les innombrables constructions de ce style urbain qui trouve un écho tout particulier à Prague et notamment dans le quartier Nové-Mesto.

 

Deux réalisations majeures du style Sécession à voir absolument :

  • Le vitrail de la Cathédrale Saint-Guy signé Alfonse Mucha. Nous sommes restés hébétés par tant de splendeur
  • La Maison Municipale : un vaste complexe architectural et culturel décoré par différents artistes tchèques pour un résultat polymorphe (fer forgé, mosaïque, peinture murale..) surprenant et empreint de sentiment patriotique.

 

Et si vous ou la personne qui vous accompagne est plutôt adepte de Baroque, qu’à cela ne tienne, Prague dispose d’une ensemble de palais et d’églises baroques qui n’a pas d’équivalent en Europe. Allez-vous perdre dans les ruelles de Mala-strana, quartier entièrement baroque. Empruntez la rue Neruda, en pente et bordée de palais. Arrêtez-vous au palais Morzin et jetez un œil aux superbes décors sculptés. Observez les deux nègres, au physique viril qui soutiennent le balcon. Quasiment en face, vous découvrirez deux formidables aigles qui déploient leurs ailes et tordent leur cou (cf photo).

Cette même rue Neruda vous mènera jusqu’au Château de Prague. Une fois au sommet, un panorama incomparable sur la ville aux 100 clochers (ou plutôt clochers, bulbes, coupoles, flèches, et dômes) vous attend.

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Prague version face : un patrimoine sacrifié sur l’autel du tourisme de masse

Le patrimoine unique de Prague fait de cette ville le plus grand ensemble architectural classé par l’Unesco en Europe. Un tel trésor a bien évidement suscité les convoitises de l’industrie touristique qui, en quelques années, a radicalement bouleversé le paysage urbain et a inoculé le poison du tourisme… un poison qui transforme invariablement n’importe que joyau urbain en parc d’attraction saturé de touristes et de magasins de souvenirs.

Ainsi, il est impossible de flâner tranquillement à Staré Mesto, la vieille ville. On est envahi, cerné par des milliers de visiteurs et leur lot de pollution sonore et visuelle.

Et quelle déception en traversant le Pont Charles, ce lieu emblématique de Prague, joyau baroque transformé en un vaste défilé de moutons de Panurge, troupeau abruti tout juste conscient de la valeur historique du patrimoine qui l’entoure.

A Hradcany (château de Prague) et Mala Strana, deux quartiers accolés à la vieille ville, même ambiance artificielle, même affluence touristique compacte et envahissante. Au milieu de cette foule je ne peux m’empêcher de me demander : Où sont les Pragois ? Où sont les habitants ? Où sont la vie et l’âme tchèque ?

Cette plaie du tourisme gangrène non seulement l’atmosphère de la ville, rendue mercantile et internationale mais aussi le patrimoine bâti. Un seul coup d’œil suffit à constater que la majorité des façades du vieux centre ont fait l’objet d’un vaste chantier de restauration. Le résultat est indéniablement agréable à l’œil, mais trop parfait pour donner l’illusion du vrai et de l’authenticité. Certes il devrait satisfaire l’homo touristicus, attiré par le Beau lisse et convenu, le Beau « qui se voit ». De plus dans certaines rues, les longs déploiements de façades aux couleurs rutilantes forment des ensembles absolument parfaits d’un point du vue photogénique (voir photos, moi aussi j’ai succombé…). De quoi combler à nouveau notre homo-touristicus dont l’activité de base consiste à accumuler les photos de lieux pittoresques. Nous sommes bien loin les façades délabrées de Naples ou de Rome. Dommage car c’est pourtant ce côté négligé qui confère à bien des villes ce cachet mélancolique indiscutable.

Prague est devenue libre, la domination russe est terminée. Gageons qu’elle saura aussi se sortir de cette nouvelle forme de dictature, bien moins violente mais tout aussi insidieuse qu’est le tourisme de masse.

 




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