Le Musée GUGGENHEIM de BILBAO, stupéfiante architecture d’une sculpture monumentale

L'architecture du Musée Guggenheim Bilbao et la Tour Iberdrola

Quand on s’intéresse un tant soit peu à l’art et l’architecture, le Musée Guggenheim de Bilbao est une référence incontournable, une sorte d’icône de l’esthétique contemporaine et l’emblème de la ville basque. Sa visite était donc en projet depuis quelques années et elle est devenue l’objectif principal et ultime d’un road-trip au Pays-Basque.

 

Un projet architectural mais aussi urbaniste

Précurseur dans ce domaine, la Fondation S. Guggenheim cherchait à se développer en créant une antenne (cf: Centre Pompidou Malaga) et prospecte en Europe afin d’implanter un petit frère à son musée new yorkais. Bilbao était alors une ville portuaire en déclin. L’architecte élu, Franck Gehry, explique : «L’objectif était de faire un édifice avec une forte identité. Il fallait que le musée permette aux habitants de se réapproprier la ville. Il devait tourner la page de la période industrielle et ne plus fuir Bilbao comme les générations précédentes. Il fallait leur redonner un sentiment de fierté. Le musée devait être un monument”. Le Musée Guggenheim de Bilbao sera construit sur une friche industrielle (entre 1993 et 1997) et depuis la ville industrielle est devenue la ville d’un monument culturel et, rien qu’à lui, attire plein de touristes culturels comme moi ! C’est ce qu’on appelle “l’effet Guggenheim” et il résonne dans toute la ville avec d’autres bâtiments contemporains à l’architecture audacieuse (cf : Zubizuri de Santiago Calatrava).

En concevant le bâtiment, Frank Gehry avait un projet urbanistique : il a recouvert la voie ferrée pour en faire une place ouverte sur la ville, un carrefour entre le musée et la ville, où Puppy accueille et/ou… monte (bucoliquement) la garde ! Côté Nervion, la passerelle par-dessus le bassin donne l’illusion de survoler le fleuve. Les rives sont donc devenues un lieu de promenade (allant du parc jusqu’à Casco Viejo en passant par Zubizuri) où le Musée Guggenheim est exposé à la contemplation.

À ses côtés, le pont de la Salve et sa monumentalisation par Daniel Buren qui marque l’entrée dans Bilbao (du coup, “quand on arrive en ville (…) on a pas l’air virils” surtout quand on est face à l’ouverture vitrée au bout d’une des énormes nageoires) et la tour qui reprend(rait) le mouvement d’une voile de bateau. Cette impression de mouvement que donne Gehry à ses bâtiments vise à dynamiser la ville, lui insuffler de la vie.

promenade et contemplation sur les rives du Nervion

Une architecture extérieure de transition

Dans le cadre “professionnalo-passionnel” qui est le mien, j’avais déjà passé beaucoup de temps à découvrir le surprenante architecture du bâtiment, à la regarder, la décortiquer et en manipuler des images : j’avais appris que les premières ébauches de Frank Gehry avaient été des croquis semi-automatiques qui reprenaient la forme d’un poisson en mouvement. L’architecte a ensuite traduit ses dessins en volume en imbriquant les formes comme un puzzle et en déformant la matière tel un sculpteur. Le Musée Guggenheim de Bilbao est donc une sorte de sculpture devenue monumentale à l’apparence abstraite et chaotique, emblématique de l’architecture déconstructiviste (on retrouve cette signature dans l’ensemble des projets de Franck O. Gehry : Walt Disney Concert Hall à Los Angeles, Fondation Louis à Paris, Tour LUMA à Arles…).

Le niveau du musée se situe en-dessous de celui de la ville et pour jouer la monumentalité, Frank Gehry a créé un volume extérieur presque deux fois plus grand que celui intérieur (les galeries). Pour mieux vous rendre compte de l’échelle, imaginez-vous en beau Bilbo le Hobbit à Bilbao (battant un boa avec un bilboquet. et pourquoi pas ? toutes les chimères sont possibles dans un tel cadre semblant fictif). Pour autant, le bâtiment ne dépasse pas la masse d’immeubles environnante.

 

Malgré son apparence qui semble venir d’ailleurs, l’architecture du Musée Guggenheim est en relation étroite avec le site dans lequel il a été érigé. Le bâtiment opère même comme une sorte de transition tumultueuse entre la ville et le fleuve, associant rupture et intégration : côté Sud, le bâtiment reprend l’architecture de la ville avec les angles droits, les fenêtres alignées, la minéralité… tandis que côté Nord, elle reprend les lignes ondulantes et les formes fluides inspirées du poisson, les reflets de la surface du fleuve.

 

La “peau” en titane est l’identité du bâtiment. Les 33.000 feuilles pliées et légèrement gondolées accentuent le mouvement et captent la lumière. “J’ai passé beaucoup de temps à essayer de comprendre la lumière de Bilbao. L’acier que je devais utiliser au début ne rendait rien du tout avec la lumière de la région. Le métal semblait mort dans le ciel gris. Mais, par hasard, on a découvert que le titane, lui, vivait très bien avec cette lumière”. Si vous visitez Bilbao, je vous conseille de repasser à différents moments de la journée (ne serait-ce qu’avant et après la visite du musée) pour percevoir les jeux de lumières sur les façades. Selon l’heure et la météo, le métal renvoie une lumière différente : le bâtiment apparaitra éclatant ou, plus terne, plus sobre, à la manière par exemple d’un Musée Juif de Berlin en zinc.

© L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

Avec tout ce que j’avais appris avant, derrière un écran ou sur un livre, le fait de le voir cette fois en vrai m’a donné un sentiment très étrange : en plus du caractère hors-norme du bâtiment et aussi un peu onirique de quand on est en voyage, j’ai eu la sensation d’être dans une photographie, un espace irréel, comme dans un rêve avec l’incertitude de la frontière entre fiction et réalité… La satisfaction de l’avoir enfin sous les yeux avec le bémol d’en douter un peu quand-même… Mais maintenant, après toute cette route, on va pas se dégonfler, non ?

En comparaison avec l’architecture extérieure, l’entrée est relativement discrète. Pour pénétrer le musée, j’ai dû descendre les quelques escaliers qui s’engouffrent dans une sorte de gorge.

 

L’architecture intérieure

Infos pratiques

horaires : 10h – 20h (fermé le lundi, sauf l’été et exception)

prix billet d’entrée : 16€ pour un adulte (audioguide inclus)
Possibilité d’acheter son billet en ligne mais, même en plein mois de juillet, je n’avais pas eu à faire la queue.


Une fois à l’intérieur et passé le vestibule avec la billetterie, la “grotte” est vertigineuse ! Dans l’atrium, les matières s’opposent (métal, verre, pierre, béton blanc…) et les volumes s’étirent, se tordent comme dans une maison hantée vivante. L’ascenseur et la tour d’escaliers rappellent La maison qui danse (1996) que Frank Gehry a réalisé à Prague. L’Atrium est un espace lumineux, ouvert sur le fleuve, hybride entre dedans et dehors (à l’instar du Centre Pompidou). Gehry a appliqué le même principe à la Fondation Louis Vuitton à Paris.

L’Atrium est le centre névralgique du bâtiment et les 20 salles des galeries sont reparties autour, reliées par des passerelles et des escaliers. Les salles sont toutes différentes les unes des autres. Par contre, il est impossible de prendre des photos à l’intérieur des salles et ça, c’est assez absolument insupportable !! Les surveillants agissent comme des vigiles plutôt désagréables (sans doute aussi irrités par la répétition de l’exercice de cette mission stupide face à des touristes non-dressables). Les quelques seuls endroits où c’est possible sont marqués d’un “point photo” au sol… Ou comment traiter le visiteur comme un mouton à Disneyland… le conditionnant même jusqu’à l’endroit où il peut prendre des photos ! Aussi effrayant que méprisant. C’est bien un choix délibéré du musée puisque j’avais visité la même expo sur Koons au Centre Pompidou quelques mois auparavant et tout le monde pouvait prendre toutes les photos qu’il voulait sans se faire gronder comme un petit garçon mal éduqué. D’ailleurs, un peu rebelle et partisan des libertés individuelles et du droit de désobéissance réfléchie face à l’absurdité, je ne me suis pas privé d’élaborer des stratégies jamesbondiennes (en jouant notamment le touriste ingénu. et oui, quitte à être pris pour un crétin, autant le jouer à fond ! à malin, malin et demi… 😉 ) pour faire les photos que j’avais envie (et pour vous ! merci qui ? euh… non pas eux, pas là…;) ).

De par leur forme circulaire, certaines coursives font référence au Musée Guggenheim de New York de Frank… Lloyd Wright. Tout au long du parcours, les passerelles offrent une vue plongeante sur les espaces inférieurs ainsi que de multiplesfenêtressur l’extérieur (notamment la ville mais aussi sur les plaques de titane) grâce aux façades vitrées. Du coup, la visite est beaucoup plus légère et plaisante (l’enchainement des œuvres n’est pas dense comme au Musée d’Orsay par exemple). L’esprit s’aère, le cerveau fatigue moins (on est en vacances quand-même !!). Et en parlant de s’aérer, vous pourrez prendre l’air sur la terrasse du Musée Guggenheim (abritée par une “nageoire” ) où un jeu de face à face s’opère avec les passants au bord du Nervion. Regardeurs regardés et vice-versa.

 

Un musée d’art contemporain

Oui, parce qu’on aurait tendance à oublier que c’est quand un musée d’art et que (normalement… on y vient d’abord pour voir des expositions ; mais il faut l’avouer, le musée est une œuvre à part entière et, ici, c’est sans doute elle la star !). Qui dit Guggenheim, dit méga collectionneurs historiques méga internationalement réputés ! Solomon R. Guggenheim, richissime industriel américain était collectionneur d’art et mécène (fondation créée en 1937). Sans surprise donc, la collection permanente du Musée Guggenheim est constituée d’œuvres d’artistes internationaux majeurs comme Robert MOTHERWELL, Anselm KIEFER, Andy WARHOL, Julian SCHNABEL, Georg BASELITZ, Jean-Mimi (BASQUIAT)… On retrouve également de grands noms de l’art contemporain espagnol avec Miquel BARCELO, Antoni TAPIÈS, Juan MUÑOZ, Eduardo CHILLIDA, Cristina IGLESIAS, Javier PEREZ, José Manuel BALLESTER… Jenny HOLZER a investi une niche dans l’atrium avec son Installation pour Bilbao (1997) qui joue avec l’espace avec un rideau lumineux rouge et bleu. Les Tulipes (1995) de Jeff KOONS et Étreinte XI (1996) d’Eduardo CHILLIDA restent installées sur la terrasse. L’immense salle héberge l’installation monumentale de Richard SERRA La matière du temps (1994) qui est l’œuvre emblématique du musée et dont l’expérience de la perte d’équilibre et de repère physique est sensationnelle !

La Matière du Temps (1994) Richard SERRA

Concernant les expositions temporaires, là encore, c’est du lourd ! Mais… ce coup-ci… mauvaise pioche (pour moi en tout cas) ! Les expositions au moment de ma visite de Bilbao étaient deux rétrospectives sur Jean-Michel BASQUIAT et sur Jeff KOONS (qui ne m’intéresse que très peu… et que j’avais déjà vu quelques mois avant au Centre Pompidou). Malgré tout, en visitant un Musée Guggenheim (New York, Venise…), on est assuré de voir une exposition de 1er ordre !

Les œuvres autour du Musée Guggenheim

Autour du musée, on retrouve de nombreuses œuvres exposées en extérieur, dans l’espace public. Donc si jusque là je n’avais toujours pas réussi à vous convaincre de visiter le Musée Guggenheim de Bilbao (en même temps, vous êtes  venu de vous-même sur cet article alors a priori, ça vous intéresse un poil…), vous pouvez au moins faire le tout du bâtiment et voir plusieurs œuvres d’art contemporain. Devant l’entrée, Puppy (1992) le chien floral de Jeff KOONS et, de l’autre côté, sur la promenade sur la rive du Nervion, l’assemblage de sphères réfléchissantes Grand arbre et l’œil (2009) d’Anish KAPOOR, les installations évènementielles Sculpture de brouillard n°08025 (F.O.G.) (1998) de Fujiko NAKAYA et Fontaine de Feu (1961) d’Yves KLEIN et une des fameuses araignées Maman (1999) de Louise BOURGEOIS. En somme, un parfum de “nature” entre nature et animalité. Plus loin, sur le pont Arcos rojos / Arku gorriak (2007) de Daniel BUREN. En face, une immense fresque de Veronica et Christina Werckmeister peinte sur le mur des piliers). Dans le parc de la Campa de los Ingleses, adjacent au musée, et le long du fleuve, on retrouve plusieurs sculptures dont Chaos Nervion de Jedd NOVATT, Judith de Marcus LÜPERTZ, Berigari IV (2000) d’Eduardo CHILLIDA (encore lui… surement parce qu’il a un très beau prénom 🙂 )…

Si vous visitez Bilbao, peut-être verrez-vous également d’autres sculptures installées dans les rues. Au croisement de Iparraguirre kalea (allant au Musée Guggenheim), Elcana kalea et Colon de Larreategui kalea, Vicente LARREA a réalisé Hommages aux architectes basques Evaristo Churruca (comme à Getxo), Achúcarro, Alzola y Hoffmeyer et Ricardo Bastida (2003-2005), sculptures en bronze de formes informes, telles des boules de papier froissé, disposées de part et d’autres du carrefour de la Plaza San Jose. Face à l’Hôtel de Ville, la sculpture abstraite Variante ovoïde de la Desocupacion de la Esfera (2012) de Jorge OTEIZA. Pour le reste, je vous laisse aller voir ce site 😉

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