Le Col de l’Iseran, ce géant des Alpes

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Plus haut ? Il n’y a pas. L’Iseran est le plus haut col routier d’Europe continentale. Un géant des Alpes qui culmine à 2770 mètres. Avec ses pentes rudes et cette altitude à couper le souffle, inutile de préciser que le gravir à la force des mollets est un beau défi. Mais aussi une offrande pour les yeux.

 

Col : Col de l’Iseran (2770 m)
Massif : Alpes Grées (Savoie)

Départ : Bonneval-sur-Arc (Maurienne)

Itinéraire : Trace GPS

Difficulté : ★★★★★
long, pentu et en haute-altitude
(moyenne : 7,3% ; max : 11%)

Distance : 13,6 km
Dénivelé + : 964 m

Intérêt : ♥♥♥♥
ma-gni-fique !

Route : ✔︎✔︎✔︎✔︎
jolie route mais du monde l’été

Période : de juin à octobre…

Avant de partir, êtes-vous bien équipé ? ➜ retrouvez nos conseils pratiques 🚴‍♂️

 

Prélude : avant l’ascension du Col de l’Iseran

Départ de Bonneval-sur-Arc, de Haute-Maurienne donc, le versant le plus intéressant je trouve, en toute subjectivité. Bien sûr, vous pouvez poser la voiture dans ce petit joyau savoyard, labellisé « Plus Beaux Villages de France », et attaquer l’ascension du col de l’Iseran à vélo d’ici, à froid, mais je vous invite à partir un peu plus bas dans la vallée, histoire d’échauffer vos gambettes avant d’affronter ce golgoth alpin. Bessans semble, par exemple, un bon point de départ. 8 kilomètres quasi plats dans un décor majestueux vous permettront de vous mettre en condition avant d’arriver à Bonneval-sur-Arc, petite station de ski familiale l’hiver, haut-lieu de randonnée l’été.

coucher de soleil sur Bonneval-sur-Arc © Fab__Rides 📷

Une fois passé le vieux village pittoresque (une visite s’impose si vous êtes dans le coin!), la route forme une grande courbe sur la gauche et se dresse sous vos roues. C’est parti pour environ 13,5 km de grimpette. Si vous êtes habitués des grands cols alpins, vous vous dîtes sûrement : 13,5 km ? Seulement ? Oui, il y a plus long ; la Croix-de-Fer, le Glandon, l’Izoard, l’enchaînement Télégraphe/Galibier pour n’en citer que quelques-uns. Mais attention, le col de l’Iseran ne se laisse pas apprivoiser si facilement pour autant. Bien au contraire…

D’ailleurs, la route n’a été ouverte qu’en 1937 et, lors de sa construction, des squelettes humains ont été retrouvés en son sommet. Des corps dont la mort reste bien mystérieuse. Victimes d’une tempête ? De la fatigue ? D’un crime ? Ce passage entre Maurienne et Tarentaise n’a jamais été aisé et reste aujourd’hui un beau challenge pour les cyclistes… et attention aux tempêtes là-haut, perché à 2770 m au-dessus de la mer. Le col de l’Iseran est généralement le dernier col de Savoie à être déneigé, en fin de printemps. À l’automne, attention aux premiers frimas de l’hiver qui arrivent tôt si haut.

vue sur Bonneval et la route du col de l’Iseran © Fab__Rides 📷

Chapitre 1 : la magnifique vallée de Haute-Maurienne

L’un des plus beaux cols que j’ai gravis, c’est certain. Il n’y a pas de mots pour décrire la splendeur des paysages dans lequel on évolue en grimpant le col de l’Iseran à vélo. La montée débute au dessus de l’étage subalpin et les points de vue sont donc dégagés et somptueux dès les premiers kilomètres. Deux premières rampes à environ 8 % de pente et entrecoupées d’un beau lacet permettent de s’élever relativement rapidement. Le clocher et les toits en lauzes de Bonneval-sur-Arc rétrécissent dans le fond de la vallée. Les vues sur la Haute-Maurienne, baignée d’une douce lumière au petit matin, sont splendides. Le cycliste est ici un minuscule point s’échinant sur une étroite langue de bitume, dominé de hauts sommets grisés et de glaciers bleutés. Les montagnes alentours ont délaissé leur manteau blanc hivernal pour se draper d’une longue robe verdoyante broutée sans vergogne par de lasses vaches et de grasses marmottes. Les arbustes se font rares, l’altitude est déjà élevée puisque Bonneval-sur-Arc est lové à presque 1800 m d’altitude.

un départ costaud

La pente est assez rude et la route ne rend pas. Difficile de prendre un rythme satisfaisant pour le commun des cyclistes mortels… et cela ne va pas aller en s’arrangeant. Je m’escrime sur ma machine en pensant à Egan Bernal qui, en 2019, avala le col de l’Iseran en à peine plus d’une demi-heure sur une étape du Tour dantesque ! Ce jour là, personne n’avait pu suivre le Colombien qui avait dépossédé Julian Alaphilippe du maillot jaune… sans gagner l’étape. En effet, un violent orage et des coulées de boue côté Tarentaise avaient obligé les organisateurs à stopper l’épreuve (une première!) et prendre les temps au col de l’Iseran. Mais Egan Bernal avait déjà mis tout le monde d’accord, avant la remontée sur Tignes, et s’empara de la tunique d’or pour la conserver jusqu’à Paris, à seulement 22 ans, devenant l’un des plus jeunes vainqueurs du tour !

Cependant, et bien qu’étant une montée emblématique des Alpes, l’Iseran n’est pas si souvent au programme de la plus grande course cycliste du monde car situé au cœur du Parc National de la Vanoise. Les lieux bénéficient donc d’une protection toute particulière qui ne sied pas bien au grand raout qu’est le Tour, avec son cortège de véhicules et d’hélicoptères encadrant le peloton.

entrée dans le Parc National de la Vanoise

Chapitre 2 : entrée en sauvagerie

Loin des exploits des pros, j’essaie de garder le cap malgré tout, en me délectant de la vue qui se sublime encore un peu plus une fois basculé dans le vallon de la Lenta et l’entrée dans le Parc National de la Vanoise. Les paysages se font plus sauvages ; la pente un peu moins, elle s’adoucit sur quelques kilomètres, ce qui permet de souffler un peu, malgré l’altitude.

Un cours d’eau dévale les pentes herbeuses avec frénésie, les épilobes vacillent langoureusement au vent tandis qu’au loin, tout là haut, on devine une route à flanc de falaise… si lointaine, si haute ; un coup bambou au moral. La route passe devant la chapelle Saint-Barthélémy et son joli toit en lauzes puis enjambe la Lenta par un beau pont de pierre avant de s’élancer à l’assaut du versant Ouest de la pointe des Arces, qui perce le ciel 1000 m au-dessus de mon casque.

le vallon de la Lenta © Fab__Rides 📷

La pente se redresse à nouveau, mais malgré la difficulté je suis surpris de voir le panneau annonçant le sommet à 8 km, les panoramas sont tellement beaux que je n’ai pas vu passer les cinq premiers kilomètres. Pourtant la barre des 2000 mètres d’altitude est franchie et l’organisme s’en ressent forcément : le cœur a du mal à monter et la puissance envoyée sur les pédales diminue. Avec l’addition de ces deux facteurs, le résultat est sans équivoque : le cycliste avance moins vite…

Comme si l’altitude ne suffisait pas, la pente flirte là avec les 9 % et le bitume est imparfait et le vent me souffle dans le nez. J’appuie tant bien que mal sur cette route qui ondoie à flanc de montagne en de longs lacets, avec, côté face, une vue bucolique sur la combe de la Lenta, le torrent et les prairies ; côté pile, les glaciers du Vallonnet que surplombe l’Albaron (3637 m). Si vous avez opté pour un départ matinal, vous évoluerez à l’ombre des sommets, le soleil se levant devant vous ; à l’inverse l’astre vous chauffera la couenne en fin d’après-midi.

l’Albaron au loin

A force de tours de pédales, les falaises aperçues plus tôt se profilent enfin. En jetant un œil sur la gauche, je me rend compte du chemin parcouru ce qui produit un shot de motivation, un petit coup de fouet, un gel énergétique pour le mental, et j’appuie alors plus fort, et je vais plus vite, je me sens pousser des ailes. Ou est-ce la pente qui s’adoucit ? Peut-être bien que oui. Un petit kilomètre à environ 4 % sur une voie taillée à même la roche, en équilibre sur la paroi rocheuse. Ô que j’aime ces pentes plus douces sur lesquelles je me permets d’envoyer un peu de braquet. Mais bien sûr cette accalmie ne dure pas. La route transperce la falaise, s’infiltre dans une gorge, franchit le pont de la Neige et s’ouvre alors, devant vous, le dernier chapitre du col de l’Iseran, le plus coriace, pour un final en apothéose.

 

Chapitre 3 : plus dure sera la pente

Un dernier acte minéral. Ici, les pierres et rochers se déversent dans les vallons, formant des chaos où seuls les chamois et autres bouquetins se sentent à l’aise. Les sommets défient les cieux de leurs pointes ciselées. La route, rectiligne, se dresse droit devant. La pente abrupte, le bitume torturé, le vent traître, l’altitude suffocante semblent s’être mis de concert pour vous en faire baver. L’euphorie entre-aperçue juste avant s’éteint bien vite. Les derniers kilomètres sont une épreuve. Même en essayant d’en garder sous le pied pour cette dernière partie, il n’y a rien à faire, je n’arrive jamais à hausser le rythme. Au moins ne m’écroulerais-je pas comme lors de ma première ascension de ce géant. Car inutile de dire que si vous prenez une défaillance à ce moment, alors le calvaire commencera et ne finira qu’à la pancarte du col.

A 2500 m d’altitude (et plus!), la respiration devient difficile, les coups de pédales de moins en moins efficaces. Les panneaux placés à chaque kilomètre paraissent de plus en plus éloignés. Un passage à 10-11 % à environ deux bornes du sommet annihile tout espoir d’un final en trombe dressé sur les pédales. Je me débats sur un braquet trop gros, je jette mes dernières forces dans la bataille à une vitesse ridicule. N’est pas Egan Bernal qui veut !

les derniers kilomètres © Fab__Rides 📷

Un kilomètre ! Enfin la fin. Un kilomètre à 8 % de moyenne selon la borne kilométrique. Pas de replat pour terminer, pas de répit, pas d’happy end, il faut se battre jusqu’au bout. J’essaie d’appuyer plus fort mais les jambes ne répondent plus vraiment. 500 m, le chrono défile. Je pense perdre mon petit défi, tout personnel, de finir en moins d’une heure. Je m’imagine échappé, fendant la foule, les poursuivants sur mes talons. Dernière courbe. Le clocher de la chapelle Notre-Dame-de-Toute-Prudence apparaît. Puis le chalet-hôtel d’un autre âge. Puis le panneau du col. Je sprinte lamentablement à environ 12 km/h. Voilà, ça y est !

enfin le sommet !

Me voici au sommet du plus haut col d’Europe, ce géant des Alpes. Avec pour satisfaction d’avoir mis un peu moins d’une heure et, surtout, avec un panorama imprenable ! Une vue (et une altitude) à couper le souffle au sens propre comme au figuré. Autour, des sommets de plus de 3000 mètres en pagaille : aiguille de la Grande Sassière (3734 m), signal de l’Iseran (3237m), pointe du Montet (3428m), ouille Noire (3357m), pointe des Lessières (3043m)… Un univers dur, venté, fait de roche et de glace, qui pourrait être très sauvage sans la horde de camping-caristes, motards et automobilistes admirant le panorama. Le lot immanquable des grands cols alpins l’été venu, pour plus de tranquillité, il faudra chercher ailleurs… ou venir hors saison.

vue côté Tarentaise avec l’aiguille de la Grande Sassière © Fab__Rides 📷

Épilogue : retour prudent

Photo de rigueur devant le panneau du col avant d’enfiler une veste coupe-vent, indispensable à cette altitude, pour entamer la descente, par le même versant. Les plus costauds pourront descendre sur Val d’Isère et remonter le versant côté Tarentaise histoire d’ajouter du dénivelé. Ou même descendre toute la Tarentaise afin de boucler « La Poule », un circuit pour les gros moteurs (voir ci-dessous).

En tout cas, la descente sur Bonneval-sur-Arc est très rapide. Notamment jusqu’au pont de la Neige où il est facile d’atteindre les 90 km/h. Attention donc à ne pas se laisser emporter par la vitesse, surtout que la route n’est pas un billard, loin sans faux. Faîtes aussi attention aux prévisions météorologiques, il n’est pas rare qu’il ne fasse pas beaucoup plus de 0°C au sommet, même en été. Emporter donc un équipement en conséquence. La chapelle Notre-Dame-de-Toute-Prudence porte bien son nom pour qui s’aventure sur les pentes du col de l’Iseran. L’idée de Monseigneur Auguste Grumel, qui fut à l’origine du projet et de la construction de l’édifice religieux en 1939, peu de temps après l’ouverture du col routier, était en effet d’inciter les (déjà) nombreux touristes et sportifs à la plus grande prudence car les accidents mortels étaient nombreux. Le conseil vaut encore aujourd’hui.

Notre-Dame-de-Toute-Prudence au petit matin © Fab__Rides 📷

VARIANTES

▪︎ Versant Sud : depuis Bonneval-sur-Arc, côté Maurienne, version présentée ici, 13,6 km pour 964 mètres de dénivelé, soit 7,1 % de pente moyenne. Depuis Lanslebourg : 33 km

▪︎ Versant Nord : depuis Val d’Isère, côté Tarentaise, plus long mais plus aisé, avec 16 km pour 929 mètres de dénivelé, soit 5,8 % de pente moyenne. Depuis Bourg-Saint-Maurice : 48 km.

▪︎ Le Col de l’Iseran en boucle : « La Poule », la seule boucle possible, dont le tracé dessine une forme… de poule. L’idée est simple, remonter toute la Maurienne, franchir le col de l’Iseran à vélo, descendre toute la Tarentaise pour revenir au point de départ (Albertville par exemple ou aux alentours d’Aiguebelle). Attention : 252 km et 4200 m de D+ ! ➜ trace GPS




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