MANTOUE, bella città de la Renaissance

La Piazza delle Erbe et la Basilique de Sant'Andrea depuis le sommet du clocher du Palazzo della Ragione, Mantoue Italie / Basilica di Sant'Andrea Campanile Torre dell'Orologio di Mantova Italia Italy church

Mantoue a été l’une des très belles surprises de mon road trip traversant l’Italie du Nord jusqu’à la Slovénie. Située non loin de Vérone, on en a fait une étape d’une journée lors de notre périple et on est tombés sous le charme de cette ville tranquille, heureusement encore délaissée des hordes organisées de touristes. Il s’agissait pourtant d’une puissante cité ducale à l’époque de la Renaissance. D’ailleurs, sur le retour, j’en ai profité pour enfin “voir de mes yeux vus” le chef-d’œuvre présent dans son palais (et dans mes livres d’histoire de l’art).

 

Il profumo di Mantova

Le Pape Pie II avait décrit Mantoue comme une vile ennuyeuse où “on n’entendait que le croassement des grenouilles”. Vexé, le Marquis François II de Gonzague fit assécher les marécages et développa l’influence de sa ville, au milieu des puissantes cités voisines qu’étaient Venise, Milan et Florence. Pour cela, il embaucha notamment un des artistes les plus novateurs du moment, Andrea Mantegna.

En se dirigeant dans le centre historique de Mantoue, on croise de nombreux bâtiments d’époques, plus ou moins délabrés mais toujours remarquables : le temple de Saint-Sébastien, l’église Saint-Barnabé, les façades peintes de la via Giovanni Chiassi ou aux styles architecturaux variés de la place giratoire de la Via Roma, le campanile des jardins San Domenico, le pont avec arches de la via pescheria, le palazzo Andreani… On baigne immédiatement dans l’Italie pluritemporelle que j’aime, celle où l’on hume son histoire à chaque coin de rue.

Le Palazzo Te

Le « palais de Te » se situe au Sud de la ville et a été construit au XVIe siècle par l’architecte Giulio Romano. Il s’agit d’une grande villa bâtie pour Frédéric II de Gonzague, Marquis puis Duc de Mantoue et fils d’Isabelle d’Este. Comme on s’était garés sur le parking à côté (voir mon guide pratique avec mes conseils et un plan), on a commencé notre visite de Mantoue en jetant un œil depuis l’extérieur. Avec seulement une journée sur place, il a fallu choisir et il n’a fait pas partie de nos priorités à ce moment là. Cependant, l’intérieur maniériste est apparemment splendide avec de nombreux trompe-l’œil. Du coup, je vous renvoie sur le site pour plus de détails (pré-vente ici).

 

Visiter Mantoue et son centre historique

Le centre de Mantoue se tient derrière les anciens remparts de la cité ducale. De ce fait, les principaux monuments à voir se trouvent à quelques centaines de mètres les uns des autres. Grosso modo, tout se tient en quatre piazze successives qui accueillent les nombreuses églises et palais à visiter. Cela dit, il ne faut pas hésiter à s’écarter un peu et lever la tête pour découvrir quelques bonus qui donnent tout son charme à Mantoue.

La Piazza Andrea Mantegna

Cette petite place tient son nom du grand-maitre de la Renaissance italienne qui, après Padoue, vécut à Mantoue de 1460 à 1506 et peint la Chambre des Époux dans le palazzo Ducale (voir plus bas). Dans ses quelques mètres carrés, on trouve un condensé de l’Italie : des arcades surplombées de façades ocre jaunes, orange ou roses, d’autres médiévales, avec des briques en pierre rougeâtre, des terrasses installées sur des pavés, une église avec un campanile adjacent.

 

La Basilique de Sant’Andrea

Construite à partir de 1472 à l’emplacement d’un monastère bénédictin (le campanile gothique en est l’unique vestige), le projet architectural a été confié à Léon Battista Alberti, LE théoricien de l’art de la Renaissance) avec un traditionnel plan en croix. Cependant, c’est Luca Fancelli qui termina les travaux vers 1504. Plusieurs modifications furent ensuite apportées (1597, 1697, 1732). Comme tout édifice religieux de style baroque, l’extérieur ne paie de mine (même si sa façade en Arc de Triomphe en impose quand-même !) et apparait même austère avec son ornementation aussi équilibrée que sobre, surplombée d’un fronton triangulaire. Néanmoins, et encore plus si vous n’êtes pas adepte des églises (je sais ce que c’est, culturellement, j’ai mis du temps moi aussi, et puis, mon goût pour l’art et l’achitecture…), traverser le parvis, franchir le pas pour celui de la porte… Si vous ne devez/voulez en voir qu’une à Mantoue, visitez celle-ci !

© L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

L’immense nef sans colonne ouvre le regard autant que l’espace. Puis, on est subjugué par le faste de l’intérieur (re-comme tout édifice religieux de style baroque) ! En scrutant dans le détail, on s’aperçoit que… l’ensemble de l’ornementation est en trompe-l’œil ! Les colonnades, les moulures, les sculptures, tous les reliefs ont été peints en grisaille. Au-delà que l’esthétique maniériste, c’est surtout plus rapide et moins onéreux à réaliser. Avantages moins négligeables pour la plupart des pouvoirs commanditaires. Toujours est-il que l’effet est autant séduisant que stupéfiant. Cela nous rappelle, en plus sobre (pour ne pas dire digeste), le plafond de la basilica di Santa Maria Maggiore de Bergame, vue la veille.

De part et d’autre de la nef, de nombreuses chapelles latérales abritent fresques et retables. Parmi la plus notable, la Cappella funeraria di Andrea Mantegna. Le grand peintre, mort à Mantoue en 1506, y repose désormais dans une tombe. La stèle est gravée au sol. Pour figurer l’hommage de la salle, on retrouve une représentation de La Sainte Famille et la famille de Saint Jean-Baptiste qui lui est attribuée (avec ses disciples) ainsi qu’une toile inachevée, Le Baptême du Christ (vers 1506). Dans sa partie supérieure, la pièce est également décorée par des fresques du Correggio. Une autre chapelle expose une Vierge à l’Enfant et les Saints (1525) de Lorenzo Costa.

La Sainte Famille et la famille de Saint Jean-Baptiste (1504-1506) Andrea Mantegna

À la croisée du transept, au pied de l’autel, un octogone en marbre abrite des vases en or qui contiendraient de la terre imbibée du sang du Christ. Longin, le centurion qui aurait transpercé le Christ sur la croix avec sa lance, aurait ensuite ramassé la “sainte terre”. Les reliquaires sont uniquement visibles par les pèlerins venus assister à la procession du Preziosissimo Sangue di Cristo, lors du Vendredi Saint. À la verticale, une somptueuse coupole haute de 80 mètres. Elle fut rajoutée en 1732 par Filippo Juvarra et est une vraie plus-value pour l’édifice en y diffusant une lumière douce.

 

La Piazza delle Erbe

Sans pour autant être la plus grande des places de Mantoue, la piazza delle Erbe est la plus vivante. Carrefour du centre ville, elle est le cœur de la città où tout le monde se rend ou passe, à pied ou en vélo. Si vous venez le matin pour prendre en photo les façades, vous serez quelque peu contrarié par des étals. Historiquement en Italie (notamment du Nord-Est avec Vérone, Vicenza, Padoue…), les “places aux herbes” correspondent à nos places du marché françaises. En revanche, si vous voulez acheter des produits frais et pas chers, vous êtes au bon endroit au bon moment. Plus tard dans la journée, ce sont les terrasses de restaurants qui occupent l’espace. La place est bordée du palazzo della Ragione et sa tour de l’horloge, du palazzo del Podestà (en restauration à l’époque et recouvert d’échafaudages) et de bâtiments ocres avec des arcades, construits contre la basilique de Sant’Andrea. Elle accueille également la rotonde de San Lorenzo.

 

La Rotonde de San Lorenzo

Cette église romane a été bâtie en 1081, apparemment sur les ruines d’un ancien temple du IVe siècle. Toutefois, sa forme circulaire ferait référence autour du Saint-Sépulcre, en lien avec la relique du Sang du Christ qui se trouve dans la basilique de Sant’Andrea. Après avoir été déconsacrée en 1579 par le Duc Guglielmo Gonzaga, elle est devenue un simple entrepôt au cœur de quartier juif de Mantoue. Située en-dessous du niveau de la piazza delle Erbe, elle a été redécouverte au XXe siècle lors de travaux.

 

Sa restauration dura 24 ans et l’accès fut rouvert en 1911 et réutilisé pour le culte en 1926. À l’intérieur, l’église est dessinée selon un plan circulaire autour duquel se trouve un déambulatoire à colonnades. L’édifice est érigé sur deux niveaux avec une loggia à l’étage supérieur. Quelques vestiges de fresques de style byzantin (XIe siècle) subsistent tant bien que mal par endroits et témoignent de l’ornementation originelle. L’entrée (gratuite) vaut au moins le coup d’œil mais, pour être honnête, la visite de cette église n’a pas réellement plus d’intérêt que les photos que je vous montre. On a fait le tour en 5 minutes.

 

Le Palazzo della Ragione et la Torre dell’Orologio

“L’Hôtel de Ville” de Mantoue date du XIIIe siècle et est historiquement là que s’exerçait la Justice. On reconnait notamment le style médiéval par les briques rouges et le crénelage dentelé au sommet. Adossé à lui, une tour ajoutée en 1472 expose une superbe horloge lunaire avec les signes du zodiaque et le temps solaire moyen. Sa réalisation a été confiée à Bartolomeo di Manfredi et il s’agit d’une des premières horloges à fonctionner mécaniquement (plus d’infos sur ce site). La statue de la Vierge Immaculée sous la cadran fut rajoutée en 1639.

Comme les Palazzi della Raggione de Vicenza ou de Padova, l’intérieur (entrée gratuite) consiste en une immense salle pouvant accueillir les évènements municipaux (réceptions, expositions…). Toutefois, celui-ci n’a pas le charme de ses cousins précédemment cités. Un ticket (3€) donne accès à l’intérieur de la Torre dell’Orologio qui héberge un (Musée du Temps. Les étages exposent différents objets anciens en lien avec la thématique (rien d’extraordinaire non plus) dont le mécanisme de l’horloge extérieure.

Néanmoins, la visite devient toute de suite plus intéressante et justifie le prix une fois qu’on arrive au sommet de la tour, dans l’espèce de maisonnette en marbre. Quatre fenêtres donnent chacune une vue panoramique sur la ville. Au-delà des toits en tuiles de la ville, le paysage sans relief de la région est on ne peut plus horizontal ! La lucarne côté Nord-Ouest offre une vue remarquable sur la basilique de Sant’Andrea et une plongée sur le spectacle humain de la piazza delle Erbe.

En traversant la piazza delle Erbe, on rejoint la toute petite piazza Broletto avec sa fontaine et, sur le mur du palazzo del Podestà, la sculpture de Virgile, né dans les environs en 70 avant J.C. Comme le bâtiment était recouvert d’échafaudages, ma photo n’est pas du tout valorisante mais vous pouvez en voir d’autres ici). En poursuivant vers la piazza Bordello, on passe par la la porte Voltone di San Pietro. Mais avant, n’oubliez pas de lever la tête vers la torre della Gabbia (XIIIe siècle) pour voir la cage où étaient enfermés les prisonniers… en plein soleil. Ça rigolait pas à l’époque !

 

La Piazza Sordello

Cette longue place rectangulaire est la plus ancienne de Mantoue et remarquable par son sol en pavés, légèrement incliné. Elle réunit plusieurs styles architecturaux de Moyen-Âge et de la Renaissance avec les palais Castiglioni et Vescovile, du Duomo di San Pietro Apostolo di Mantova et le palazzo del Capitano avec son large portique avec des arcs en ogive (ce bâtiment fait partie du complexe du palazzo Ducale). En poursuivant au Nord, on arrive sur les rives du Mincio, au niveau du lac Moyen.

© L’Oeil d’Édouard / Instagram 📷

Le Duomo de San Pietro di Mantova

Si vous suivez mes récits de voyage (ou que vous commencez un peu !- à cerner mes goûts depuis la lecture de cet article), vous savez que je ne me prive jamais de découvrir l’architecture d’une église qui se présente à moi. Je n’ai évidemment pas dérogé à cette règle pour cette cathédrale. La base remonterait à l’époque paléo-chrétienne. L’ensemble est aujourd’hui composé d’un beffroi roman (seule vestige du bâtiment détruit dans un incendie en 894) et d’une aile gauche gothique. La façade de style baroque tardif en marbre de Carrare (entre 1750 et 1761) a remplacé en 1750 celles gothique de marbres polychromes datant du XIVe siècle. L’intérieur m’a plutôt déçu, l’ornementation est assez austère avec une nef bordée de colonnes presque oppressantes. Seul intérêt esthétique (à mon goût !), le transept et la coupole richement décorés. Comme il s’agit du principal édifice religieux de Mantoue, attention à rester un touriste discret lors des heures de culte.

 

Le Palazzo Ducale

Il s’agit du lieu touristique incontournable, le monument à voir quand on vient visiter Mantoue. Pourquoi ? Parce que c’est ici que la famille Gonzague, une des plus grandes dynasties de la Renaissance italienne, a exercé son pouvoir durant plus de trois siècles. Et systématiquement, pouvoir rime avec arts… C’est ainsi qu’ils ont construit au fil des siècles un palais décoré avec faste, agrémenté d’une riche collection de plus de 2000 œuvres. Depuis les bâtiments les plus anciens datant du XIVe siècle (palazzo del Capitano, Domus Magna et castello di San Giorgio), l’ensemble architectural s’est développé sur 34 000 m2 avec 500 salles, 3 places et 15 cours intérieures. Comme le temps de visite du palazzo Ducale se compte en heures (1 à 3 selon votre sensibilité, 4 pour ma part), c’est lors de mon retour de Slovénie que je me suis arrêté une deuxième fois à Mantoue, exprès pour ça.

➤ Infos pratiques sur le site (pré-vente ici)

 

Oui, car le palazzo Ducale apparait depuis très longtemps dans mes livres d’histoire de l’Art grâce à un chef-d’œuvre de la Renaissance italienne : les fresques de la Chambre des Époux, peintes par Andrea Mantegna entre 1465 et 1474. Je ne pouvais donc pas, après toutes ses années d’études, accepter de visiter Mantoue sans les voir. La Camera degli Sposi se situe dans le Château de Saint-Georges dont l’accès est différent du palazzo Ducale (en remontant au Nord jusqu’à la piazza Castello).

L’impatience commençait à presser le rendez-vous à travers le dédale d’escaliers, salles, couloirs… (l’anti-chambre est d’ailleurs très pédagogique avec des documents concernant l’œuvre). Puis, j’entre… dans les pages de mes livres. Je suis au cœur du chef d-œuvre de Mantegna !! Évidemment, mon regard se dirige immédiatement vers le plafond et son fameux oculus en trompe-l’œil. Il y a bien le ciel, les oiseaux et… les fesses des Anges. Tout est là, avec cette vue en contre-plongée, merveille technique de raccourci qui suggère la profondeur (il l’utilisera également dans le célèbre tableau Lamentation sur le Christ mort (1470-1474), exposé à la Pinacothèque de Brera à Milan). La voûte en grisaille est également bluffante de réalisme, même en vrai (sinon plus d’ailleurs quand on perçoit l’ingéniosité du jeu d’ombrage en fonction des sources réelles de lumière).

 

Sur les murs, deux peintures décorent la chambre de Ludovico III Gonzaga. Côté Ouest, La Rencontre (affresco dell’incontro) figure une scène où le Marquis revenant de Milan alors qu’il rencontre deux de ses fils qui en reviennent (Federico qui lui succédera et le cardinal Francesco). Le triptyque est également composé de chevaux et chiens dans un paysage mêlant nature et cités (dont une Rome idéalisée). Côté Nord, La Cour (affresco della Corte). Louis III y est représenté au milieu de sa famille et ses courtisans alors qu’un homme arrive à ses côtés. Certains personnages sont par-dessus les colonnes en trompe-l’œil, donnant ainsi l’impression qu’ils sont dans l’espace réel de la pièce (juste la question de l’échelle nuit à l’illusion suggérée).

En attendant que je consacre un article spécifique sur le palazzo Ducale avec une analyse de la Chambre des Époux, je vous invite à écouter Daniel Arasse, le grand historien de l’art. Il fait référence à L’Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti au palazzo Pubblico de Sienne.

La Rencontre

La Cour

La deuxième partie de la visite du Palais Ducale de Mantoue se fait en revenant sur la piazza Sordello. Le parcours labyrinthique commence par le palazzo del Capitano avec des fresques de style byzantines et des vitrines d’objets médiévaux. Un espace vidéo interactif explique l’évolution architecturale du palazzo Ducale. Ensuite, c’est parti ! On enchaine les salles (environ 50) exposant tableaux, sculptures, fresques, objets… La plupart sont décorées avec faste et, parfois, extravagance ! Parmi les plus notables, j’ai été particulièrement marqué par la salle du zodiaque et son plafond céleste, la salle des rivières (et sa fontaine) donnant sur un jardin intérieur, la grandiose galerie des glaces, les salles 33-36 avec leurs grandes tapisseries murales, les salles 39-41 avec leurs plafonds décorés et leur marqueterie. Les derniers espaces sont consacrées à des sculptures antiques.

 

Sans doute épuisé intellectuellement et mon potentiel esthétique déjà subjugué par la Chambre des Époux, je n’ai pas eu de coup de cœur pour d’autres œuvres de la collection par la suite. Ah si, je suis resté devant L’Adoration des Mages (1604-1605) de Pieter Paul Rubens dont l’accrochage, pour le moins parasitant, a tout de même le mérite d’être didactique : le tableau exposé n’est en fait qu’une portion de l’œuvre originelle, laquelle a été découpée et disséminée à travers le Monde… Du coup, au final, je vous dirais de ne pas nécessairement dépenser vos deniers si vous n’êtes pas sensible à la peinture. Pour ma part, le prix du billet a largement été rentabilisé par le plaisir de voir en vrai le chef d’œuvre d’Andrea Mantegna.

 

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