Oui, Malaga, c’est la plage mais c’est également une ville culturelle avec de nombreux musées. Parmi ceux-là, le CAC Malaga avait attiré mon attention pour aller y faire une visite. Même si vous n’êtes pas sensible à l’art contemporain, ça ne vous coûte rien d’y aller. Et oui (et ça, c’est une vraie vision politique de la Culture !), l’entrée est gratuite !
Le Centre d’Art Contemporain de Malaga se situe sur les bords du Rio Guadalmedina, à l’ouest du centre ville. Beaucoup de graffitis se trouvent d’ailiers dans ce quartier plus alternatif. Vous le remarquerez sûrement par la présence d’œuvres ex-situ autour (fresques de Shepard Fairey dont deux immenses sur la façade d’un immeuble, deux sculptures sur le parvis). Le bâtiment du CAC comporte un grande salle d’exposition principale puis les cimaises forment de plus petites salles vers le fond. Une petite brasserie et une boutique (peu de chance que vous trouviez beaucoup de livres en français par contre…) sont également dans les murs.
La collection permanente
La superficie allouée à la collection permanente est relativement petite (4 petites salles) en comparaison avec l’espace de l’ensemble de bâtiment. En effet, le projet du CAC Malaga semble davantage être basé sur les expositions temporaires. Néanmoins, j’ai été très agréablement surpris par l’importance des œuvres présentes dans ce musée d’art contemporain.
Quelques œuvres de la collection
Au cours de l’accrochage de l’époque, on retrouvait plusieurs grands noms d’artistes internationaux (Olafur ELIASSON, Anish KAPOOR, Andy WARHOL, Kim SOOJA, RONG RONG… Gunther FORG vu également au MMK Frankfurt), même aussi des français (Sylvie FLEURY, Michel FRANÇOIS) et, naturellement, des espagnols (Juan MUNOZ, Cristina IGLESIAS). Agréable découverte avec Gone – Lot 156 (2006) de Jose Maria CANO.
Trois expositions temporaires
L’active programmation d’expositions temporaires est très intéressante avec des artistes de premier ordre. Lors de notre visite, pas moins (et pas plus non plus d’ailleurs…) de 3 expositions monographiques étaient en place alors que le lieu n’est hyper grand non plus. La principale, “fixture” , était consacrée au peintre belge Michaël BORREMANS tandis que le “discident” (…) chinois Ai WEÏWEÏ exposait une installation. Le CAC présentait également l’artiste andalouse Marina VARGAS et ses sculptures antico-matiéristes.
Michaël BORREMANS, fixture
Je connaissais peu le travail de Michaël BORREMANS, la découverte de son œuvre a donc été d’autant plus délicieuse, tant sur le fond que sur la forme, c’est-à-dire tant dans la facture que dans le propos. La force de ses peintures est le pouvoir de fascination qu’elles dégagent. Le temps est apparait suspendu, les quelques actions, sobres et humbles, sont figées et décontextualisées. Les corps (où la frontière entre mannequin et être humain est très perméable, rappelant les poupées surréalistes d’Hans Bellmer) sont photographiquement tronqués (Unicorn) ou morcelés (The Loan), les visages, toujours fuyants (de dos, vers bas…). La narration s’arrête à la description d’une scène intrigantes et mystérieuse. Un rêve évanescent ? Le rendu laiteux, flou, terne, blafard rappelle par moment la peinture d’Eugène Carrière, Gerhard Richter et Luc Tuymans avec une mélancolie silencieuse proche d’Edward Hopper. Plus intimiste, on a l’impression d’être en dehors de la scène ou de déranger, placés en position de voyeur ou d’intrus. L’artiste de Gand semble s’adresser à notre inconscient et le troubler avec des énigmes (Red hand, green hand , The Angel, Pony, The Case… The egg IV où le sujet n’est plus).
Mais la saveur supplémentaire de l’oeuvre a été pour moi sa peinture en tant que telle. La qualité mimétique de sa peinture (travail de la lumière, dégradé, couleur des peaux…) nous amène à croire en la réalité de l’image. Mais alors qu’on est pris, apparaissent des détails qui viennent parasiter, contredire notre lecture de l’image : incomplétude (Girl with feathers, The Sleeper), dilutions et transparences (Prospects, One), repentir ou résurgences (The Sheets, The Egg III), détails contradictoires (Unicorn, Mixture) etc… brisent l’illusion de l’image en ramenant la peinture à sa matérialité de la peinture. Après la séduction, l’ambiguïté s’installe.
Quelques tableaux de Michael Borremans
Ai WEÏWEÏ, Circle of Animals / Zodiac Heads
Interrogeant le rapport original/copie dans l’art, le rapport culture/pouvoir (politique, économique…), Ai WEÏWEÏ a réalisé 12 sculptures en bronze représentant des têtes d’animaux du zodiaque chinois (il en existe 6 séries). Elles reprennent les figures d’une fontaine réalisée pour deux jésuites européens pour un jardin de l’Empereur Qianlong au XVIIIe siècle. Sept sculptures ont été volées en 1860 et revendues, le gouvernement chinois a réclamé leur retour. Quand l’enjeu culturel devient enjeu politique, et vice versa…
Marina VARGAS, Ni animal, ni tampoco angel
Dans ce projet, l’artiste andalouse “réfléchit aux nouvelles visions des connaissances fortunées, de la beauté et le concept de libération, en plus de la critique des modèles classiques”. Ses sculptures pop baroques sont composées de sculptures antiques sur lesquelles vient se superposer de la mousse expansive en polyuréthane (peinte en blanc et surtout en rose pop bonbon) évoquant une libération de la forme (par l’informe par rapport aux codes académiques) mais aussi une résurgence organique (viscères…).
S’il est intéressant d’observer les hasards provoqués par l’expansion de la mousse sur les figures classiques (ex : l’extase de La Bacante réduite à son sourire, avec une grosse choucroute haribo !), l’œuvre propose une opposition formelle au concept un peu trop caricatural et manichéen… selon moi.