Une journée à la Havane, entre grandeur et décadence

Centro Habana Cuba La Havane
Centro Habana - ©Céline Boyer

La Havane : impressions et ressentis ramassés sur une journée et deux quartiers : Centro Habana & Habana vieja

Matinée à Centro Habana : quand Beyrouth l’emporte sur Buena Vista

Centro Habana, un quartier surpeuplé, surchauffé et bruyant. Il faut du temps pour l’apprécier et l’apprivoiser. Il faut du temps pour s’acclimater au foisonnement et au désordre qui y règne.  Il faut du temps pour rétablir l’équilibre intérieur bouleversé par le cumul de chocs émotif, visuel et thermique. Surtout, il faut du temps pour faire la synthèse d’un mélange saugrenu entre misère criante et vie débordante, entre faste ancien et décrépitude généralisée.

Ce quartier grouille d’animation, le spectacle de La Havane populaire et colorée est là sous nos yeux mais pour l’heure nos mécanismes de défense de sont pas encore en place et Céline et moi restons un peu interdites au milieu de cette agitation ambiante.

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On ne peut pas dire que les rues de La Havane soient sales, on ne remarque pas de sacs plastique ou de canettes vides sur les trottoirs.

Comment peut-il en être autrement dans un pays où l’économie de marché et sa logique infernale de surconsommation = déchets = gaspillage n’existe pas et où le recyclage est une nécessité ?

En revanche l’insalubrité est palpable à maints endroit. Céline relève de temps à autre un cafard qui se fait la malle. Pour ma part ce sera un poulet arrêté dans sa course ; il git sur le sol, décapité. A ce moment, me reviennent à l’esprit les recommandations alarmistes du Ministère des Affaires Étrangères et les cas de choléra signalés dans le pays depuis le début de l’année.

Après midi à Habana Vieja :  autre monde, autres mœurs

On quitte l’arrière boutique de La Havane pour admirer sa vitrine, Habana Vieja (la vieille ville). Ici on retrouve vite ses repères puisque tout est mis en œuvre pour que la réalité colle avec cette image carte postale qu’on peut se faire de la ville.

la Havane

Il y a d’abord ces travaux de restauration titanesques qui ont permis de redonner au vieux centre tout l’éclat de son prestige historique : les trésors d’architecture baroque, néoclassique et coloniale se succèdent et il ne nous reste plus qu’à suivre le parcours balisé de notre guide de façon à ne manquer aucun de ces superbes édifices classés 3 étoiles !

 

Bien entendu le chantier n’est pas terminé et il reste un peu partout des bâtiments au bord de l’effondrement. Mais finalement c’est cette symbiose entre décadence & renaissance combinées aux couleurs pastels et à l’esthétique de vieilles américaines qui donne à l’ensemble un aspect unique.

Habana vieja blog voyage Trace Ta Route

Mais dans ce quartier touristique qu’est Habana Vieja, la carte postale ne se limite pas au décor. L’Etat a à cœur de faire vivre la vieille ville de manière à offrir aux touristes la plus belle image qu’il soit  quitte  à verser dans le folklore! Ainsi, à La Havane, la joie de vivre des Cubains est vendue (et usurpée) comme un produit de consommation au même titre que le rhum, les plages ou les cigares.

Comment l’État procède-il ? Il repartie ici et là  des figurants dont le job consiste à donner de la couleur et de la gaîté aux rues, en d’autres termes à “vendre du rêve”.

Du côté de la cathédrale, ce sera une mamie affable arborant un énorme cigare, près de la calle Obispo on tombe sur un vieillard avec un costume de révolutionnaire. Plus loin, vers la Plaza de Armas, un cubain avec sa guitare s’approche vers la terrasse où on sirote notre Cristal. Il se met alors à entonner un Cha-Cha-cha avec un enthousiasme et une conviction tels que je veux les croire sincères.

 

Et si c’était du chiqué…? Et bien tant-pis, on aura au moins profité de l’interprétation plutôt réussie du bonhomme. Et puis il est temps de se rendre à l’évidence, la manne que représente un touriste est telle, qu’elle amène bon nombre de Cubains à simuler, feindre, mentir et pratiquer la duplicité avec nous comme avec les autres du reste. Aucun touriste n’est épargné à La Havane.

Le Malecon - La Havane

 

Finalement il n’y a pas de quoi se lamenter, ces pratiques restent inoffensives et compréhensibles.

Par contre, que penser du comportement de certains cubains armés d’une bonne dose de cynisme qui utilisent sans vergogne manipulation et  gentillesse déguisée pour extorquer au touristes des CUC, cette monnaie qui représentent bien souvent pour eux l’unique perspective d’une vie meilleure ?

Ce fléau est hélas très répandu à Habana Vieja. Il porte même un nom: le jineterismo et il suffit d’une arnaque pour se prendre en pleine figure la réalité de Cuba, celle d’un pays ravagé par l’absence d’avenir et de perspective économique.  Chassez le naturel, il revient au galop….

Retour à Centro Habana : la résilience

La journée tire à sa fin, on quitte le territoire sacré pour rejoindre Centro Habana et la vie cubaine de tous les jours.

Après l’épreuve des jineteros dans la vieille ville, croyez moi on re-découvre Centro Habana, ce quartier populaire vibrant et palpitant.

Quel bonheur de pouvoir se mélanger à la population dans l’indifférence (presque) générale. Quel bonheur de flâner le nez au vent, délivré du harcèlement et des sollicitations presque permanentes. Quel bonheur de pouvoir enfin et en toute tranquillité observer des scènes de vie, lorgner des instants et capter des regards.

Voila…, une journée… c’est le temps qu’il m’ aura fallu pour prendre quelques repères  mais je réalise qu’il faudrait une vie entière sur place pour faire tomber le mur qui me sépare de ce peuple prisonnier  d’un pays au bord de l’asphyxie.

Où dormir à Centro Habana, le centre de La Havane ?

Casa particular chez David y Lidia: un  petit cocon protecteur et nourricier (petit déjeuners succulents et gargantuesques) parfait pour se ressourcer avant d’affronter la cohue de la capitale cubaine.
David est aussi vétérinaire, c’est pourquoi la casa particular fait aussi parfois office de maison de convalescence pour crocodiles en péril. Du coup ne vous étonnez pas si vous en croisez un ou deux dans la cour intérieure.
David parle très bien français et est de très bon conseil. Comme nous, ce sera peut-être lui le 1er à vous mettre en garde contres les arnaques en tout genre des jineteros. Ceci dit malgré ses conseils avisés, je vous mets au défi de ne pas vous faire avoir vous aussi. Le jinetero est très roublard surtout quand il se fait passer pour un Cubain aimable et serviable. A bon entendeur…

David y Lidia Casa Particular

Quelques photos de mon séjour à La Havane




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6 Comments

  • Marcos dit :

    Bonjour, merci pour l’analyse. Il n’y a rien à dire de plus, sinon de l’écrire pour souligner le fallacieux et le gâchis cubain. Comme le disent les cubains eux même, si Kafka était cubain ce serait un auteur classique. Il ne nous reste qu’à contempler ce faux semblant avec beaucoup d’affection sans pouvoir faire grand chose. Bravo d’être allé jusqu’au “cementerio de colón” c’èst rare sur un blog de visite touristique A noter qu’on peut s’y rendre pour 10 cup (monnaie nationale)en prenant un “Almendrón” (taxi collectif cubain, ancienne voiture américaine payable en monnaie nationale) à partir de la Calle Neptuno en face l’hotel Telegrafo/Parque Central. Ceux qui vont sur la 23 (veinte y tres) au carrefour du Coppelia/Yara. Ne pas hésiter à se procurer de la monnaie nationale pour aller de l’autre coté du miroir et de la barrière linguistique.

    • Julie Hann dit :

      Slt Marcos et merci pour tes conseils concernant le cimetière Colon!
      Effectivement c’est une bonne idée de se procurer aussi la monnaie nationale. Perso à chaque fois que je l’ai utilisé on m’a fait comprendre que j’étais l’imposteur: on ne me saluait pas, on me servait après les Cubains et de mauvaise grâce.
      De toutes façons CUC ou pesos cubanos, ce pays est skyzophrène dans son rappport à l’argent: d’un côté il y a une idéologie et un Etat qui rejette le capitalisme, empêche l’entreprise individuelle et l’enrichissement personnel, de l’autre on a une réalité économique catastrophique et une population qui a besoin de devises pour survivre. Quelle alternative leur reste t-il pour gagner cet argent ? L’exil OU le touriste…

  • Alessandro Durand dit :

    Dans mon imaginaire la Havane c’est : chaleur, cigare, rhum, musique et couleurs ocres. Ca fait partie de ma to do list des voyages. Merci pour ton articles et tes photos!

  • Je ne sais pas si tu as vu, mais tu fais la Une de GEO Blogs ! 😀
    Il parait que Cuba est génialissime !! Et c’est vrai que ça a l’air d’être ce genre de ville un peu “bordélique” mais très agréable. 🙂

    • Julie Hann dit :

      Salut Cindy ! La Havane est effectivement bordélique mais c’est un très belle ville. Il n’en reste pas moins qu’il existe un vrai fossé culturel et surtout économique entre nous et les Cubains qui ne facilite pas les échanges.

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